Léonie Vanay
Arts Visuels Vaud décerne l'un de ses deux prix annuels 2025 à l'artiste Léonie Vanay.
La remise du prix a eu lieu le 22 mai 2025 au Musée Alexis Forel, à Morges. Discours prononcé par Françoise Jaunin, membre du comité, à cette occasion:
De Léonie Vanay, j’ai pu voir le travail par petites touches fort intéressantes au fil d’expositions principalement collectives: Standard/deluxe et Circuit à Lausanne, le CACY à Yverdon, le MCBA, Seins à Dessein à l’Espace Arlaud, notamment… Mais ce n’est que tout récemment que je suis allée la rencontrer dans son atelier lausannois et que j’ai pu mettre derrière ses pièces un visage et une personnalité discrète mais bien trempée qui mène un travail tout en finesse.
Au début, ce travail était essentiellement ancré dans la gravure sur bois et dans l’exploration des signes et des écritures. Léonie avait tellement d’affinité avec le bois (elle a, par ailleurs, fait dix ans de hautbois au conservatoire) qu’elle a même, un temps, pensé se tourner vers la menuiserie. Mais le besoin de créer et de s’exprimer a été le plus fort, elle est partie faire ses études d’art à la HEAD à Genève. Master en poche, elle a obtenu plusieurs résidences d’artistes: Pékin, Gênes, Berlin… Elle a aussi co-créé et co-dirigé l’espace d’art indépendant Urgent Paradise à Lausanne entre 2012 et 2019. Et je trouve toujours que c’est un plus intéressant dans le parcours d’un artiste, que de savoir qu’il ou elle a mouillé sa chemise pour œuvrer à la cause de l’art en train de se faire ici et maintenant.
Léonie a donc un rapport très physique, presque charnel, avec ses matériaux et objets. Si le bois a - pour le moment - un peu disparu de sa « palette » de matériaux, supplanté par le métal, le plastique, la cire, les pierres de sel sculptées à l’eau et des petites pierres semi-précieuses qui apportent des touches de couleur raffinées, elle est devenue la reine de la récup, débusquant et collectant des bribes et objets abandonnés ou perdus. Elle les assemble et les imbrique pour en faire des objets singuliers, souvent des mobiles suspendus qui conjuguent le délicat avec le tranchant, le ludique avec le vaguement menaçant, le tendre avec le presque cruel.
Pourquoi des mobiles? Parce qu’ils nous forcent à lever les yeux, avec un regard un peu enfantin; qu’ils la forcent, elle, à jouer avec les équilibres; qu’ils lui permettent de tracer des dessins dans l’espace qui esquissent à leur tour des ombres mouvantes, comme des rébus sibyllins. Et parce qu’ils restent « mobiles » justement, jamais figés, oscillant dans des chorégraphies légères et silencieuses.
Léonie fait aussi des sculptures miniatures, comme des oreilles en cire, sensuelles et délicates, qui renvoient à l’idée des secrets murmurés. Ou des sortes de clés qui symbolisent le refuge. Les liens au corps sont partout présents, mais le plus souvent en creux, et à la manière de talismans que l’on glisse dans sa poche pour se protéger ou se défendre.
Léonie a aussi un rapport très fort avec les mots, même si elle les trouve souvent trop bavards. Faire des images et des objets, dit-elle, c’est un peu se protéger des mots qui en disent trop. Des mots, il lui en faut peu, mais avec beaucoup dedans. Des titres de ses œuvres qui vont par cycles, elle fait des sortes de slogans poétiques: « Aiguiser ses larmes », « Du bout des doigts, le cœur bat », « L’oreille aimante », « Faire sécher ses armes », « Serre ton poing contre mon corps », …
Vous dire encore, parce que c’est tout sauf banal, que Léonie est en train, depuis l’automne dernier, de se former au travail de la ferronnerie et de la soudure auprès de Bertille Laguet, la fameuse designer forgeronne multi primée qui a repris la forge historique de Chexbres, a travaillé pour la Fête des Vignerons et conçoit des enseignes pour les vignerons. Léonie accomplit cet apprentissage un peu comme un post-doc, mais dans un métier ancestral dont le savoir-faire a tendance à disparaître. Et là aussi, elle retrouve tout ce qu’elle aime: la matière, le son, le rythme et une forme de chorégraphie à respecter très précisément.
Et comme elle pratique aussi depuis peu et en collectif le travail performatif avec son et lumière, et que par ailleurs elle aime beaucoup bidouiller les moteurs et l’électronique, on peut être sûrs qu’elle nous réserve encore plein de surprises... !
Site de l'artiste: leonievanay.ch
Photo: Claudina Garcia